Partagée entre un sentiment de honte qui la pousse à vouloir garder le silence et le besoin de témoigner pour que sa mésaventure puisse être utile à d’autres victimes potentielles, Magdalena* a finalement décidé de parler. «Tant pis si les lecteurs me prennent pour une conne», anticipe la sexagénaire employée par une richissime famille italienne. Après un divorce, il y a vingt ans, Magdalena s’est occupée de l’éducation de ses deux enfants. Puis, elle a eu une brève relation avec un homme. Le cœur en lambeaux après cette histoire, la Lausannoise a décidé de tirer un trait sur les relations sentimentales, selon un récent article publié dans les 20Minutes. com.
Mais en octobre 2020, le poids de la solitude et du temps qui défile a incité la sexagénaire à s’inscrire sur un site de rencontre. Eurêka! Elle tombe sur Igor*. Un quinquagénaire français d’origine russe, très classe, beau, attentionné et prétendument riche œnologue en Gironde. «Les hommes m’avaient toujours fait pleurer. Et là, j’avais l’impression d’avoir trouvé le prince charmant», se souvient Magdalena. En plus d’être prétendument fortuné, Igor a le bagout. Un bagout qui transporte la Lausannoise et stimule en elle le rêve d’une nouvelle et enthousiasmante vie à deux. «On s’appelait trois à quatre fois par jour.»
En décembre 2020, sentant que sa proie avait bien mordu, Igor fait croire à Magdalena qu’il avait un important projet viticole au Kosovo. Mais il y a un hic: ses comptes bancaires sont bloqués à cause d’un litige avec le fisc. Quand son amoureux lui demande un petit dépannage de 3700 francs, Magdalena ne se fait pas prier. Puis, balivernes après balivernes, plusieurs autres virements suivent. Dont un dernier de 1500 francs en juin 2021. «Il m’a embobinée. J’ai été très conne. Il m’a pris en tout 7000 francs», regrette la sexagénaire.
Claudine*, quinquagénaire neuchâteloise, a eu la malchance de tomber sur le même bonimenteur. Avec elle aussi, le Français a su se montrer persuasif: photos dans des œnothèques, images avec des bouteilles de prestige, heures de discussions au téléphone ponctuées de mots doux. Quelle âme esseulée ne fondrait pas devant un tel condensé d’amour, de gloire et de beauté d’un homme d’affaires amoureux qui navigue dans des marchés à millions? Claudine a complètement craqué. «Il m’a dit qu’il avait trop de taxes à payer et qu’il avait besoin de quelques petits prêts.» Et elle a multiplié les envois d’argent: des montants entre 250 et 11’000 francs, entre janvier et décembre 2021.
En septembre, fortement éprise d’Igor et n’en pouvant plus de ne pas le voir, la Neuchâteloise a voulu lui faire une visite surprise en Gironde: 877 km et 8h de trajet en voiture! «Une fois à l’adresse qui devait être la sienne, j’ai trouvé une grange inoccupée. Je l’ai appelé. Spontanément, il m’a dit qu’il était en déplacement en Toscane. Il a prétexté qu’il avait un paiement urgent de 1500 euros à faire. Et comme une conne, j’ai payé», soupire Claudine. De désillusion en désillusion et après s’être fait soutirer 30’000 francs par «l’arnacœur» Igor, Claudine a fini par accepter l’évidence: l’homme qu’elle aimait est un escroc sans scrupules. Pour preuve, il ne répond plus ni à ses appels ni à ses messages. Jeudi dernier, Claudine s’est rendue au poste de police à Neuchâtel pour déposer une plainte pénale.
Selon nos informations, bourreau des cœurs et des comptes bancaires, Igor avait au moins deux numéros de téléphone octroyés par une app permettant de créer plusieurs numéros virtuels sur un seul smartphone. Il a changé de numéros et est probablement à la chasse de nouvelles proies sur d’autres sites de rencontre.
D’après nos recherches, Igor compte au moins quatre victimes: deux en Suisse et deux en France. Les quatre ont réussi à entrer en contact car un des numéros d’Igor a désormais été attribué à un autre homme, un leader de parti domicilié en Loire-Atlantique. Le politicien était tout étonné de recevoir des messages, vocaux et écrits, émanant de femmes inconnues qui l’appelaient «Mon amour». Il a fait comprendre aux mystérieuses admiratrices qu’elles étaient victimes d’un escroc. C’est ainsi que Magdalena, Claudine, Alicia* et Geneviève* ont pu entrer en contact. Alicia, quinquagénaire souffrant d’invalidité basée sur la Côte d’Azur, a perdu 5400 euros dans sa romance virtuelle avec Igor, alias «Romantique» sur le site. «C’est tout ce qui me restait comme économies. Cet homme est un ensorceleur. J’ai l’impression qu’il avait pris possession de mon esprit», a-t-elle témoigné au téléphone. Geneviève, aide-soignante à la retraite et veuve basée dans l’Hérault, a également vu ses 20’000 euros d’économies s’envoler. «En fait, il avait quatre femmes auxquelles il écrivait les mêmes poèmes et racontait les mêmes baratins. En nous faisant croire au grand amour, il nous a pris 65’000 euros en une année. C’est un truc de fou», réalise Geneviève. La sexagénaire est affligée. «De toute ma vie, jamais un homme n’a réussi à me prendre un centime. Et ça m’arrive à 65 ans! Cet homme est un gourou», s’estomaque la retraitée.